Des nouvelles perspectives (Dialogues 25/7/77)
La coopération et les relations entre la Tunisie et l’Algérie vont connaître un nouvel essor et se raffermir.
L’impulsion vient d’en être donnée par la visite officielle que vient d’effectuer en Algérie, M. Tahar Belkhoja, membre du Bureau Politique du Parti et, ministre de l’Intérieur. La présence de trois ministres algériens à l’arrivée de l’invité tunisien à Alger, l’entretien que lui a accordé le Président Houari Boumediène, les contacts qu’il a eus avec divers responsables algériens, les visites effectuées dans plusieurs Wilayas, l’accueil chaleureux et fraternel que lui ont réservé peuple et responsables algériens et l’importance de la délégation tunisienne qui l’accompagnait sont autant de facteurs exprimant la volonté des deux pays d’unir leurs efforts, dans leurs intérêts communs et de se concerter pour tenter d’harmoniser leurs actions dans cette lutte exaltante mais difficile qu’est le développement économique et social. Ce qui est important c’est que ce même désir sincère de coopération étroite partagé par les responsables des deux pays (et M. Tahar Belkhoja a tenu à le spécifier) s’est d’ores et déjà exprimé dans une série d’actions et de décisions qu’on retrouve dans le communiqué commun dont voici les plus importantes. Les deux parties ont donc convenu :
— De se rencontrer régulièrement et alternativement dans les deux pays.
— De dynamiser les travaux des différentes commissions mixtes.
— De s’informer mutuellement de leurs expériences et de leurs réalisations et ce par des visites de responsables et par l’échange de document et de publications officielles.
— D’encourager les contacts et les consultations entre les autorités administratives locales frontalières des deux pays.
— De faire procéder au jumelage des deux capitales ainsi qu’à ceux d’autres collectivités en particulier les frontalières ;
— De développer et renforcer l’assistance mutuelle entre les deux services de sûreté et de dynamiser la commission technique permanente instituée en 1973 ;
— De créer une commission permanente mixte pour l’étude des problèmes communs intéressant la prévention et la lutte contre les sinistres… Dans ce contexte, un projet de convention a été établi et sera étudié.
— D’encourager les échanges touristiques et dans ce cadre de faciliter les formalités de passage transfrontières des ressortissants tunisiens et algériens.
— Sur un autre plan, on aime à rappeler les réalisations et les projets économiques communs aux deux pays tels que la construction du gazoduc algéro-tunisie-Sicile, l’exploitation en commun du gisement d’EI Borma, les liaisons aériennes et ferroviaires améliorées de puis 1975, une unité de fabrication de verres plats, une unité de traitement et de raffinage de oléagineux et la cimenterie de Thala qui commencera a produire à partir de 1979. En outre, la coopération sera renforcée en particulier par l’augmentation du nombre d’instituteurs tunisiens en Algérie. Ces nouvelles perspectives de coopération fructueuse entre les deux pays frères — que la visite de M. Tahar Belkhoja est venue élargir davantage — ont du reste été au centre de l’audience qu’a accordée le Président de la République au Ministre de l’Intérieur samedi, en sa résidence du Mornag. Le Chef de l’Etat a exprimé à ce propos sa « satisfaction et son optimisme quant à l’avenir des relations entre les deux pays » et a donné des directives précises pour « développer les relations tuniso-algériennes dans les délais les plus rapides et à tous les niveaux ».
Citons pour terminer, M. Tahar Balkhoja qui a certifié que « l’impulsion donnée aux Relations bilatérales des deux pays donnera des résultats très prochainement.
Interview :
Depuis la dernière visite de notre Ministre de l’Intérieur, M. Tahar Belkhoja, en Algérie, les deux ministres ont décidé l’établissement de relations soutenues entre eux.
Comment, sur le plan pratique, se traduit cette volonté ?
— La récente visite de M. le Ministre et ami Tahar Belkhoja a donné lieu à la signature d’un document qui énumère un certain nombre d’actions devant être entreprises par les deux pays en vue de consolider et d’élargir les liens de coopération fraternelle existant entre les deux peuples.
Certaines de ces actions ont reçu un début d’exécution particulièrement favorable. Des échanges de délégations ont déjà eu lieu et se sont traduits par des mesures concrètes qui concernent aussi bien les expériences de chaque pays que le domaine de la formation des cadres.
L’école nationale de la protection civile s’honore d’avoir accueilli en stage il y a seulement quelques jours une vingtaine d’officiers et de sous-officiers de la protection civile tunisienne.
D’autres actions verront le jour très prochainement tant au niveau de mon département ministériel qu’au niveau d’autres ministères.
Ai-je besoin à cet égard de rappeler que notre ministre de l’Education, M. Mostefa Lacheraf se trouvait tout récemment en visite officielle en Tunisie dans le cadre d’une coopération très appréciée en matière d’enseignement.
La génération au pouvoir, dans les pays du Maghreb, a toujours cru en le Grand Maghreb Arabe. Et déjà bien avant l’indépendance, Tunisiens, Algériens et Marocains étaient mus par cette volonté. Je crois que c’est une aubaine que l’on croie à cette idée. Bien entendu les problèmes existent et exciteront toujours. Nous ne sommes plus à une période d’infantilisme politique, pour ne pas dire les choses telles qu’elles nous semblent être et ce sans compromettre nos relations de fraternité, de bon voisinage et de coopération. L’essentiel est que, aussi bien algériens que libyens ont un désir sincère de ne pas envenimer les situations et de trouver des solutions à tous nos problèmes, dans le cadre de la concertation en évitant de subir la pression de la conjoncture.
Mon voyage en Algérie a permis de se rendre compte une fois encore qu’il existe devant nos deux pays de larges perspectives de coopération fructueuse, que les Président Bourguiba et Boumédiène n’ont jamais manqué de dégager. Un grand jalon dans cette coopération a d’ailleurs été posé avec la signature de l’accord sur le gazoduc, gazoduc à la réalisation duquel le Président Bourguiba s’est personnellement intéressé et veillé à la conclusion de l’accord dans les délais.
Les difficultés qui existaient entre la Tunisie et l’Algérie en ce qui concerne le problème du Sahara Occidental ne sont plus aussi aiguës qu’avant, puisque les Algériens respectent notre position, d’autant plus que nous sommes décidés à ne pas compliquer la situation outre mesure. Surtout que nous pensons que la solution de ce problème ne peut être que maghrébine, que tôt ou tard les pays maghrébins intéressés seront les seuls à pouvoir en discuter valablement. Peut-être que le problème n’est pas actuellement très mûr pour une solution immédiate.
Ce qu’il importe de sauvegarder pardessus tout, ce sont les liens étroits qui lient des pays qui ont tout intérêt à se tendre la main.
— Peut-on donc considérer en ce qui concerne surtout la Tunisie et l’Algérie que l’époque des relations « en dents de scie » est révolue ?
— Si les relations étaient justement en dents de scie, c’est qu’avant l’indépendance, le sentiment aidant, nous considérions que l’unité maghrébine était facile à réaliser. Quand nous avons eu les responsabilités en main, nous avons découvert que ce n’était pas là chose facile. Nous avions en effet un très grand nombre de problèmes immédiats à résoudre. C’est peut-être pour cela qu’à un certain moment nous avons eu des tensions dans nos relations. Mais, de toute façon la raison a toujours prévalu et nous avons pu, en toute circonstance, surmonter les obstacles.
L’avenir entre la Tunisie d’une part, l’Algérie, la Tunisie et la Libye d’autre part semble donc prometteur. Il faut que de part et d’autre l’on s’accorde le préjugé favorable, dans le respect de l’intérêt de chacun, de sa configuration géographique, politique et économique.
Cela est désormais possible puisque les esprits ont évolué et qu’il n’y a plus ce préalable politique de l’union qui, avait-on cru serait capable de résoudre tous les problèmes.
Actuellement, je crois que les uns et les autres sont arrivés à concevoir la construction du Grand Maghreb par étapes, en fonction de nos intérêts respectifs.
L’on peut d’ailleurs, pour réaliser d’une manière progressive et réaliste cette unité, chère à tous, s’inspirer de bien des expériences qui ont donné leurs fruits notamment en Europe. Un système confédéral pourrait — pourquoi pas ? — être envisagé. Il mériterait au moins qu’on y réfléchisse.
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